Le poids des souvenirs

Remember Me, à l'origine Adrift, est le premier projet de la jeune maison française Dontnod, un studio qui accueille des développeurs d'Ubisoft, Criterion Studios et Quantic Dream. Né en 2008, le jeu a connu une gestation extrêmement mouvementée, risquant presque d'être annulé, trouvant une nouvelle vie (et des fonds) grâce à Capcom, qui a décidé de le produire et de le distribuer. Situé dans un Paris futuriste, le titre embrasse pleinement la veine cyberpunk avec une prémisse non originale mais toujours intrigante, celle de la manipulation des souvenirs, et il le fait en exploitant une protagoniste féminine d'un charme rare, ironiquement la plus grande source de maux de tête pour les programmeurs. Mais les surprises ne s'arrêtent pas là.



Têtes vides

2084. C'est un jour comme un autre dans le futur de Neo-Paris, un futur régi par le Sensation Engine, pour les amis Sensen, un implant cérébral révolutionnaire qui permet de télécharger et de partager des souvenirs en ligne. Positionné sur la nuque, cet hologramme sinistre en forme de valve orange rend les gens comme des disques durs, se dirigeant vers une déshumanisation inexorable. Dans ce scénario chaotique nous endossons le rôle de l'erreur Nilin, un prodigieux chasseur de souvenirs capable non seulement de les prendre au Sensen, mais aussi de les modifier à volonté. Mais maintenant, il n'y a pas de temps pour y penser, car Nilin est en grande difficulté, emprisonnée à la Bastille, la principale prison de la ville, la jeune fille se retrouve privée de souvenirs et sur le point de suivre une thérapie de "conversion" un peu rassurante. L'intervention du mystérieux Edge empêche les événements de se précipiter, offrant à notre héroïne une issue de secours. Après la consternation initiale, Nilin essaie de s'organiser pour trouver son identité et découvrir les responsables de ce qui lui est arrivé. Une succession d'événements, de rencontres plus ou moins fructueuses et une longue série de missions régissent l'intrigue du jeu, jusqu'à l'inévitable twist final.



Le poids des souvenirs

Canon personnalisé

Remember Me est une action à la troisième personne qui mélange différents éléments dans le but d'offrir une expérience délibérément déroutante., à tel point que le jeu lui-même ressemble à une mémoire déformée greffée dans le cerveau de quelqu'un. La vocation vers la plateforme est très forte, avec des parties qui rappellent à plusieurs reprises à la fois les différents Assassin's Creed, Tomb Raider et Uncharted. Nilin se déplace avec agilité entre les enseignes au néon et les fenêtres, s'abaissant avec la grâce d'un chaton des rebords, mais elle a aussi une vraie nature guerrière, particulièrement utile compte tenu des innombrables combats qui la voient impliquée. La multinationale créatrice de Sensen, baptisée MEMORIZE, a mis en place une milice de soldats super-technologiques, les SABRES, qui représentent les principaux ennemis du jeu et sont soutenus par des drones meurtriers. Comme si cela ne suffisait pas, on se retrouve aussi face aux inquiétants Leapers, mutants et parias rendus fous suite à un rejet des Sensen et qui dominent les bidonvilles de la ville.

Le poids des souvenirs

Ces rencontres désagréables se traduisent par des sections de combat de plus en plus complexes caractérisées par un système de combo personnalisable. Le joueur peut librement attribuer sur chacune des touches qui composent les combos quatre séries de compétences, appelées Pressens, qui garantissent une série de bonus supplémentaires au combat. Ceux-ci affectent à la fois la capacité de guérir, de porter des coups puissants ou d'augmenter l'effet de la chaîne. L'idée est vraiment innovante, car elle permet de développer différentes stratégies selon que l'on préfère une approche défensive ou purement offensive. A ceux-ci s'ajoutent les attaques spéciales fondamentales, qui peuvent être effectuées grâce à une bague à anneau rappelée avec la gâchette gauche. Celles-ci vont des bombes logiques mortelles aux tirs en rafale féroces et à la capacité de saboter les droïdes de soutien pour se retourner contre leurs propres maîtres. Enfin, Nilin peut interagir avec le connecteur Sensen des ennemis une fois qu'ils ont reçu une dose suffisante de coups, afin de lui donner le coup de grâce. Les attaques de l'adversaire sont plutôt évitées grâce à un mouvement spécial à effectuer à la vue du point d'exclamation au-dessus de l'ennemi, d'une manière tout à fait similaire au Batman de Rocksteady Studios, titres dont Dontnod est clairement inspiré. L'utilisation de coups spéciaux est particulièrement décisive dans les combats contre les boss, longs et épuisants.



Le poids des souvenirs

Remix, quelle passion !

Mais Remember Me ne se limite pas au saut et aux arts martiaux : les programmeurs ont inséré des phases furtives dans lesquelles il faut éviter les droïdes de reconnaissance, et d'autres où l'on se retrouve face à une série d'énigmes environnementales. Entre la nécessité de déplacer des objets ou de contourner des bornes grâce aux pouvoirs enfermés dans le gant de Nilin, il y a certaines parties dans lesquelles il faut assimiler les souvenirs des autres pour continuer. Dans ce cas, nous voyons des images holographiques superposées à l'écran qui répètent en boucle des séquences pré-calculées, telles que l'ouverture de portes fermées ou le dépassement de pièges mortels, qui servent de guide pour l'action à entreprendre.

Le poids des souvenirs

L'ajout le plus bizarre, cependant, est le remix de souvenirs, une fonctionnalité largement annoncée par le directeur du jeu Jean-Max Moris et qui met en évidence les liens du studio avec Heavy Rain. Ce sont essentiellement des séquences que Nilin doit modifier afin de changer le cours des événements. Ces séquences sont de véritables courts métrages construits avec le moteur de jeu, avec la possibilité d'être rembobinées à tout moment via le stick analogique, à la manière d'un film. Le but est de modifier les détails de la mémoire pour modifier son issue, juste pour donner un exemple, nous devons empêcher un chasseur de primes de nous tuer ou d'inciter notre victime au suicide en lui faisant croire qu'il a assassiné sa femme. Malheureusement, il est impossible d'aller plus loin dans les détails pour ne pas gâcher la surprise, mais l'expérience s'avère très stimulante, créative et résolument originale, même si un peu déconnectée du reste. Nous avons même réussi à atteindre un objectif en obtenant un résultat de mémoire qui n'était pas attendu comme optimal. Dommage pour leur petit nombre : on aurait apprécié une étude plus intégrée avec le jeu de base, qui malgré ces supports agréables reste ancré à des mécaniques désormais consolidées sur le marché.



Le poids des souvenirs

La folie numérique

Graphiquement, Dontnod parvient à peindre un univers cyberpunk fascinant qui dénote le goût typiquement européen : le travail sur les costumes et les décors est tout simplement somptueux et concentré au maximum sur le protagoniste fascinant, mais aussi tout le reste dénote un soin remarquable. L'Unreal Engine est toujours un gage de qualité et garantit des textures définies, une charge polygonale élevée et des couleurs riches, un peu moins d'animations. La confiance de l'équipe de développement est en tout cas presque impressionnante et apporte un rendement totalement exempt de ralentissements ou de déchirures, avec un framerate ancré à trente images par seconde et un excellent nettoyage vidéo, mais la part du lion est représentée par le son.

Le poids des souvenirs

Le musicien Olivier Deriviére a produit un véritable chef-d'œuvre visionnaire qui établira la norme, avec une prédominance de parties symphoniques enrichies de sessions électroniques et de dissonances qui bouclent comme des virus malsains.. L'audio est totalement synchronisé avec l'action pour donner l'idée de la suprématie du code binaire sur la réalité, tandis que le thème principal méconnaissable n'est joué entièrement qu'à la fin du jeu. Le jeu est entièrement localisé dans un espagnol de bonne qualité, bien que le nombre de doubleurs ne soit certainement pas frappant. Le choix chromatique est également très agréable, privilégiant les tons blancs et orangés pour obtenir un contraste aliénant entre la propreté aseptique de la haute ville de Néo-Paris (ou de la Bastille elle-même), contrastée avec la dégradation des bidonvilles. Dommage que l'histoire ne rende pas justice au rendu visuel, étant plutôt confuse et pas très bien racontée, compte tenu du manque de cinématiques et de dialogues pas si brillants. La plupart des éléments sont alors fournis dans les séquences de chargement entre les chapitres du jeu, compromettant le tissu narratif. Les développeurs ont déclaré avoir été inspirés par George Orwell pour l'histoire, mais dans l'ensemble, il existe de nombreux autres liens avec Ghost in the Shell de Masamune Shirow.

Succès Xbox 360

Remember Me propose 50 réalisations pour un total de 1000 points de joueur ; conclure l'aventure vous rapportera un peu plus de 200, le reste nécessite de trouver les objets de collection ou d'effectuer certaines actions, comme créer un combo composé de 17 Pressens. Le plus exaltant est ce que vous obtenez après avoir été tué cinq fois par les drones de reconnaissance, un événement qui est loin d'être rare, qui vous rapportera 30 points convoités. Tout le mal ne vient pas au mal !

Où est le problème?

Comme nous l'avons déjà dit entre les lignes de la revue, Remember Me n'est pas un produit innovant, peut-être pour répondre aux besoins du marché : le jeu suit de manière assez canonique une structure consolidée, alternant phases de plateforme et combats pendant toute sa durée. . . . Les greffes furtives et énigmes environnementales sont de simples conjonctions pour donner de la variété à la formule, bien qu'assez brillante, surtout ces dernières qui nécessitent un minimum de raisonnement pour être surmontées. Le problème est essentiellement l'exécution de ce que nous pouvons considérer comme le cadre principal. Les combats n'évoluent pas comme chez d'autres interprètes du genre, ce qui en résulte répétitif et parfois frustrant.

Le poids des souvenirs

Bien que les capacités spéciales soient progressivement acquises grâce aux points d'expérience, vous ne ressentez jamais une réelle croissance de vos capacités, car le jeu ne fait qu'alterner des ennemis qui nécessitent des schémas différents pour induire des erreurs, ou qui brisent continuellement les chaînes entourant Nilin. La variété des adversaires est également très limitée, il s'agit essentiellement de variations de couleur du même modèle de soldat SABRE, les droïdes et les parias, seule la manière de les combattre change. Les phases de plate-forme suivent une ligne similaire, oscillant entre l'élémentaire et le lourd, le second cas entraînant souvent des excès de « essais et erreurs ». En bref, Remember Me est sans aucun doute un titre difficile, mais la courbe de difficulté est davantage liée à la mauvaise humeur du game design qu'aux compétences du joueur. Les niveaux sont très linéaires et il n'y a aucun moyen de revenir aux anciennes zones visitées, mais il est possible de rejouer les épisodes individuellement pour retrouver les collectibles, présents en grande quantité, qui permettent de débloquer des galeries 3D et les inévitables objectifs. L'aventure a une durée adéquate, s'installant entre huit et dix heures, mais il n'y a pas de moyens supplémentaires ou en ligne pour prolonger la durée de vie du produit.

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Version testée : Xbox 360 Resources4Gaming.com

6.9

Lecteurs (67)

7.9

Votre vote

Remember Me est un produit qui démontre continuellement à quel point les efforts déployés pour créer un monde fascinant et crédible ont pris le pas sur tout le reste. Il y a plusieurs idées appréciables, comme celle des rubriques dédiées aux souvenirs, vraiment innovantes mais peu nombreuses et totalement déconnectées du reste. La majeure partie du temps de jeu se passe dans des sections qualitativement fluctuantes et linéaires à la limite de la schématique. Malgré le gimmick des combos personnalisés, qui pourraient créer un nouveau parcours, la réalisation des combats ne suit pas les meilleurs interprètes du genre, tandis que le charme incontestable du protagoniste ne peut pas supporter à lui seul une histoire confuse et tout sauf mémorable. . C'est vraiment dommage, car le jeu de Dontnod revendique une réalisation technique et artistique de premier niveau, mais malheureusement la robe ne fait pas le moine.

PRO

  • Que de belles idées
  • Les séquences remixées se démarquent
  • Splendide tant d'un point de vue technique qu'artistique
CONTRE
  • Combats monotones et fatigants
  • Sections approximatives de la plate-forme
  • Extrêmement linéaire

Un monde fascinant et crédible qui a emporté l'espace de jeu

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